Actualités

Ensemble, osons pour l'Outre-Mer !

Les cahiers des Talents de l’Outre-Mer

Newsletter

Votre adresse email :

Troisième Brunch-débat avec pour invité Michel Barnier

Le Réseau des Talents de l’Outre-Mer organisait son troisième brunch-débat le 5 octobre 2013 avec pour invité le Commissaire Michel Barnier sur le thème "Les Outre-Mer, régions ultrapériphériques de l’Union Européenne".

Introduction par le Réseau des Talents de l’Outre-Mer

Yola Minatchy, présidente du Réseau, souhaite la bienvenue à tous au 3e brunch-débat de l’année 2013 du Réseau des Talents de l’Outre-Mer, au Café Bords de Seine. Elle remercie le Commissaire Michel Barnier et les invités de leur présence. Elle donne la parole à Georges Dorion.

Georges Dorion, Président d’honneur du Réseau, ancien président du Casodom, a rappelé, l’esprit gouvernant la création du prix des Talents de l’Outre-Mer. Le constat est que les domiens se trouvent pour la plupart dans les niveaux les moins gratifiants de l’échelle sociale. L’opération des Talents de l’Outre-Mer visait non seulement à récompenser les ressortissants des DOM ayant effectué un parcours d’excellence mais surtout de les rendre visibles afin d’en faire des exemples qui méritent d’être suivis. Il a rappelé également la nécessité pour ces Talents de se constituer en réseau afin de poursuivre l’objectif d’entraînement des « domiens » vers la réussite sociale.

Yola Minatchy ajoute que le Réseau des Talents de l’Outre n’a pas uniquement pour vocation de présenter des modèles de réussite, d’être une vitrine, un catalogue des compétences des domiens dans des secteurs de pointe, mais il a aussi pour ambition de mener des actions de solidarité envers l’Outre-Mer, par exemple en lançant des débats d’idées, et ce, afin d’accompagner l’Outre-Mer dans la recherche de nouveaux développements.

Bruno Sainte-Rose, vice-président du Réseau, a ensuite présenté l’invité Michel Barnier, actuel Commissaire Européen en charge du marché intérieur et des services. La présentation du parcours hors norme de notre invité – qui fut notamment plus jeune député sur les bancs de l’Assemblée Nationale dans les années 70, ministre de l’Agriculture sous Jacques Chirac – a également permis de mesurer son attachement personnel aux départements et territoires d’outre-mer, en particulier la Martinique.

Yola Minatchy a par la suite introduit le sujet du jour en vue du débat puis a soumis à notre invité trois problématiques. Elle rappelle qu’il existe huit régions ultrapériphériques (Réunion, Guadeloupe, Martinique, Guyane, Açores, Canaries, Saint-Martin, Madère) bientôt 9 avec Mayotte, lesquelles font partie intégrante de l’Union européenne et sont soumises au droit communautaire. Un article 349 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne permet cependant d’adapter des mesures spécifiques pour les RUP. Elle rappelle que si à Bruxelles, les RUP françaises sont considérés par nombre d’Etats membres comme des confettis d’empire colonial, il appartient aux ultramarins que souligner , d’encadrer que les RUP françaises ne sont pas sans bénéfices pour l’ensemble de l’Union européenne. Elle cite l’exemple de l’espace maritime européen : grâce à l’Outre-Mer, l’Europe est la seconde puissance maritime mondiale derrière les Etats-Unis, d’où l’importance aussi du secteur de la pêche pour les DOM.

1) Comment mettre en valeur les atouts des régions ultrapériphériques françaises, et renverser la perception que ces territoires ne représentent qu’un coût pour la Communauté Européenne ?

2) Elle précise la difficulté des RUP françaises de contracter des marchés dans leur région géographique, de mener des projets communs avec leurs voisins non européens, en raison de la complexité des règles du marché intérieur. Comment assurer l’intégration de ces régions au sein de leurs marchés régionaux et prendre en compte leurs particularismes, notamment vis-à-vis des contraintes européennes ? Elle cite l’exemple du projet de pont sur l’Oyapock qui est censé relier la Guyane au Brésil, mais dont la construction a été réalisée en Guyane jusqu’à la frontière brésilienne, en raison du fait que les crédits européens pour le chantier ne peuvent être affectés au côté brésilien. N’est-il pas souhaitable d’arriver à l’application de l’article 349 du TFU, à un régime dérogatoire ?

3) Sa troisième préoccupation concerne le chômage des jeunes en Outre-Mer, en ce compris des plus diplômés. Elle rappelle le taux de 60% en moyenne, le taux le plus élevé d’Europe, un chiffre grave qu’il ne faut pas banaliser. Elle demande comment utiliser plus de crédits européens afin de dynamiser dans les départements d’Outre-Mer les secteurs productifs, les secteurs porteurs d’avenir afin de répondre au problème du chômage, mais aussi afin de former les jeunes localement dans ces secteurs. Elle rappelle que dans certains départements les jeunes suivent des formations qui ne sont pas adaptés aux besoins locaux. Elle souligne que la politique de mobilité présentée comme une planche de salut, a tout de même pour revers la fuite des cerveaux.

En toile de fond de ces questions, une seule : harmonisation, exception ou voie du milieu : quelle politique pour les régions ultrapériphériques françaises ?

Intervention de Michel Barnier

Michel Barnier a souhaité dans un premier temps demander à chacun des membres de l’assistance de se présenter (métier et RUP d’origine), ce qui a permis de révéler la diversité et l’excellence des parcours des personnes présentes. Afin de tenter de répondre aux problématiques posées par notre présidente, il a dans un premier temps rappelé succinctement son périmètre de responsabilités en tant que Commissaire Européen, à savoir :

  • Faire des propositions de loi, qui seront ensuite votées ou non par le Parlement Européen,
  • Prendre des décisions dans le domaine de la concurrence, notamment afin d’éviter la constitution de situations de monopoles dans le marché commun. Il a par la suite exposé l’ensemble des actions qu’il a menées en tant que Commissaire depuis son arrivée il y a deux ans. On retient en particulier :
  • La création du Brevet Unique Européen traduit en 3 langues, qui réduit drastiquement les coûts par rapport à la situation précédente où le brevet devait être édité dans toutes les langues pour accéder à l’ensemble du Marché commun (3000 euros contre 30 000 précédemment),
  • L’ensemble des mesures prises depuis la crise afin de réguler le système financier,
  • La simplification des marchés publics européens,
  • La création de la signature électronique et à terme de la facturation électronique qui devrait se traduire à terme par 80 milliards d’euros d’économies de papier en 4/5 ans. L’exposition de ces actions avait pour but de montrer qu’elles avaient un impact direct sur les économies des régions ultrapériphériques, puisque celles-ci font partie du marché commun.

Dans la deuxième partie de son intervention, Michel Barnier a centré son discours sur les RUP. Il a notamment rappelé les points suivants :

  • Les RUP disposent de deux outils : le principe de cohésion territoriale et l’article 349 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, afin de rappeler leur appartenance pleine et entière à l’Union Européenne.
  • Les 8 RUP « intéressent » uniquement trois pays : la France, l’Espagne et le Portugal. L’élargissement de l’Union qui comporte à présent 28 pays ne facilite pas la tâche de ces régions afin de se rendre visibles (« Il est plus difficile de se faire entendre à 3/28 qu’à 3/15 dans la précédente mouture de l’Union »). Il félicite le Réseau de tenter de mettre en avant les atouts des RUP. Michel Barnier invite ainsi les RUP françaises à parler d’une seule et même voix malgré leurs particularismes liées notamment à des environnements géographiques différents, dans un souci d’efficacité.
  • Le budget européen 2013/2017 est en diminution (celui-ci représente pourtant à peine 1 point de PIB européen à comparer aux 20 points du budget fédéral américain), ce qui est regrettable selon lui puisque plus de 95% des dépenses réalisées sont des dépenses d’investissement. Néanmoins les dispositifs existants pour les RUP (FEDER, POSEI) devraient être maintenus.
  • Il invite nos départements à se placer dans une logique de « projets » plutôt que de « guichets », donc une logique beaucoup plus volontariste, et si possible en montrant l’impact positif que cela peut avoir pour les autres pays européens.
  • A cet égard, Yola Minatchy rappelle que les Talents de l’Outre-Mer c’est aussi une attitude : se voir comme un potentiel positif d’exploitation, d’exploration, d’expériences.
  • Le commissaire a enfin rappelé le potentiel énorme des régions ultrapériphériques françaises dans un nombre significatif de domaines, d’autant qu’il est spécifique à ces régions : spatial (Guyane), astrophysique, pêche/aquaculture, géopolitique (rappel que l’île de la Réunion est une base militaire stratégique pour la France et donc l’UE), routes maritimes, forêts, énergies renouvelables, biodiversité, pharmacopée, sans oublier les nouvelles technologies de l’information qui ont un rôle majeur à jouer dans ces territoires.

Débat

Eric Magamootoo, conseiller régional de La Réunion, a signalé à l’auditoire que les régions ultrapériphériques françaises s’attachaient effectivement de plus en plus à parler d’une même voix au sein des instances européennes. Il a vu au par ailleurs, au cours de ces dernières années, l’arrivée à la tête d’entreprises réunionnaises d’une nouvelle génération d’entrepreneurs sans complexes, ouverte sur le monde, ce qui est prometteur pour l’avenir. Il a cependant pointé du doigt le coût de la mobilité et des technologies de l’information sur le territoire pour les ressortissants de l’île et des DOM en général.

Le docteur Henri Joseph a réalisé une intervention qui mettait bien en lumière les problématiques auxquelles peuvent se heurter des entreprises des RUP qui souhaitent entrer sur le marché européen : Son entreprise intervient en effet sur le marché de la pharmacopée, en valorisant certaines plantes. Il lui a fallu mener des actions de lobbying intense et attendre la modification de pas moins de 4 lois pour arriver à pénétrer le marché allemand.

Michel Barnier a appelé les meneurs de projet à identifier les blocages similaires à ceux rencontrés par le Dr Joseph. Il a en outre rappelé que dans le cas spécifique de cet entrepreneur, qu’il avait invité dans son bureau par le passé, des intérêts privés s’étaient élevés contre son projet, ce qui rendait la tâche encore plus ardue.

Eric Wuillai, PDG de l’entreprise CBO Territoria, est également intervenu pour présenter le cas de son entreprise, qui souhaitait se développer sur le marché mauricien, et qui avait besoin pour ce faire de crédits européens. Cela s’est révélé être un échec. Michel Barnier a une nouvelle fois rappelé qu’il fallait identifier les points de blocage et en informer les instances européennes compétences.

Florus Nestar, sous-préfet de la Manche, a interpelé le commissaire Européen sur l’avenir d’Erasmus et a proposé que des jeunes aillent témoigner de leurs expériences dans les écoles. Michel Barnier a signalé que selon ses informations, des moyens plus importants allaient être alloués au programme Erasmus. Notamment, pour les RUP des actions seront mises en places pour faciliter les échanges des ressortissants de ces régions avec les universités des pays se situant dans leur zone régionale (exemple de l’Afrique du Sud pour un étudiant Réunionnais). Yola Minatchy rappelle que le Réseau met en place dans cet esprit l’opération Talents de l’Outre-Mer dans leurs écoles dans les DOM.

Enfin, Monsieur le Commissaire Michel Barnier s’est engagé à soutenir un plan d’influence européen sur 4/5 ans sui lui serait présenté par des acteurs des RUP françaises. Il a souligné l’importance de s’engager dans cet horizon temporel pour avoir une chance de succès. Il a également appelé à voter aux élections européennes : celles-ci ne sont pas une élection mineure, car un député européen a aujourd’hui plus de poids qu’un député au niveau national : 60% des normes, régulations sont votés au niveau européen et le reste uniquement au niveau des parlements de chaque pays. Il a présenté à l’auditoire un graphique mettant en lumière la disparition, tous les 10 ans, d’un pays européen de la liste des 10 pays les plus puissants au monde. D’ici 2050, plus aucun pays européen ne fera partie du G8. L’Europe n’est selon Michel Barnier pas une option mais une obligation afin de peser dans l’économie mondiale.

Ryaz Daoud Aladine

Photos de l’évènement