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Les cahiers des Talents de l’Outre-Mer
Sylvia Payet, ingénieure de recherche à l’ONERA
Après deux années de prépa à la Réunion, j’ai intégré l’Ecole Normale Supérieure de Cachan et j’ai décroché un doctorat délivré par l’Ecole des Mines de Paris. J’ai finalement été embauchée en 2011 comme ingénieure de recherche à l’ONERA, Office National d’Etudes et de Recherches Aérospatiales.
Votre choix professionnel actuel correspondait à une vocation ?
Oui, je voulais travailler en tant que chercheur à l’ONERA (Office National d’Etudes et de Recherches Aérospatiales) depuis ma dernière année de prépa, en 2003. Après y avoir fait ma thèse de 2007 à 2010, j’y ai été embauchée en tant qu’ingénieure de recherche en 2011.
Racontez-nous vos années d’études, votre parcours professionnel ?
Après un bac S, j’ai intégré la prépa Leconte de Lisle à la Réunion en PCSI. Je savais déjà que je voulais travailler dans le domaine de l’aérospatial. J’ai donc fait PSI l’année suivante, dans l’espoir d’avoir plus de chances de travailler dans ce milieu. Malheureusement je me suis retrouvée avec une cheville dans le plâtre suite à une mauvaise chute. Cela m’a pris quelques mois avant de retrouver un rythme normal, et j’ai donc passé les concours moins préparée que ce que j’aurais pu être. J’ai quand même réussi à être admissible à quelques grandes écoles, mais pas celles qui m’intéressaient. J’ai donc fait 5/2 dans l’espoir d’intégrer une école de haut niveau qui me permettrait de réaliser mon rêve. La réalité a dépassé mes espoirs puisque j’ai été la première de ma prépa à intégrer l’Ecole Normale Supérieure de Cachan. Mes années dans le département de Génie Mécanique m’ont permis de découvrir la mécanique numérique (qui permet par exemple de simuler la déformation de différentes structures par ordinateur). J’ai notamment eu l’occasion de faire un stage de recherche de 4 mois à l’Université du Texas à Austin, où ma vocation de chercheur dans ce domaine s’est confirmée. A la fin de mes études, j’ai effectué un stage à l’ONERA, le centre français de recherches aérospatiales. Le sujet de l’endommagent m’a plu. Je suis donc restée à l’ONERA pour une thèse sur l’apparition et la propagation de fissure dans les métaux, pour laquelle l’Ecole des Mines de Paris m’a délivré le grade de docteur en novembre 2010. Après cela, j’ai effectué un post-doc de 6 mois au Laboratoire de Mécanique et Technologie de Cachan dans un secteur plus proche de l’ « expérimental » afin d’avoir une vision plus concrète de ce que je simulais. J’ai finalement été embauchée en tant qu’ingénieure de recherche à l’ONERA en mai 2011, où je travaille maintenant sur les deux thématiques, simulation numérique et analyse d’images expérimentales, que j’ai abordées auparavant ; en espérant passer dans quelques années une habilitation à diriger des recherches.
Recevoir le prix talent de l’Outre-Mer a-t-il eu un effet bénéfique sur ce parcours ?
Recevoir ce prix m’a permis d’avoir plus confiance en moi. Cela m’a été particulièrement bénéfique dans la période autour de la soutenance, où l’avenir était incertain.
Quitter votre terre natale a-t-il été vécu comme un sacrifice, un déracinement, une nécessité ? Que vous manque-t-il le plus de votre département d’origine ?
Quitter la Réunion a été une nécessité qui m’est apparue évidente depuis le lycée. Je savais déjà qu’il y avait un grand risque que je ne trouve pas d’emploi d’ingénieur dans la spécialité que je choisirai à la Réunion. Pour trouver le travail qui me passionnerait, il faudrait partir et ne voir ma famille que très rarement (c’est cela qui me manque le plus).
Quel est votre perception de la situation socio-économique en Outre-Mer ?
Le chômage est un vrai problème, notamment à la Réunion. Il y a peu d’offres et peu de débouchés sur l’île, c’est pourquoi la politique de mobilité a été mise en place.
Votre ressenti par rapport à l’insertion et à la représentativité des domiens au niveau local, national ou international ?
A la Réunion, les domiens n’atteignent que rarement des postes à très haute responsabilité, sauf si cela requiert une élection par une partie suffisamment large de la population. Au niveau national ou international, les domiens sont dans tous les domaines, mais en très faible nombre. En général, ils tiennent à s’insérer et être reconnus pour leurs qualités professionnelles, et ne se présentent pas comme domiens au premier abord.
Comment vivez-vous votre lien avec la France, la mère patrie ?
Il m’a fallu 5 ans pour trouver mes repères, tisser des liens et maintenant je considère la France comme chez moi, même si j’ai encore le rêve de retourner à la Réunion un jour.
Que pensez-vous du rôle du C.A.S.O.D.O.M, le comité parisien à l’origine de la création du prix jeune talent et talent confirmé de l’Outre-Mer et de l’impulsion de notre Réseau ?
Je pense que le CASODOM a su évoluer avec son temps dans ses objectifs. Je trouve que leurs actions pour le prix des Talents de l’Outre-Mer et le Réseau étaient nécessaires à une époque où les aides pour la mobilité sont désormais en place, mais où la plupart des jeunes domiens manquent encore de confiance en eux. Je me souviens encore avoir entendu à la Réunion que telle grande école n’était pas à notre portée dans notre prépa locale, que si nous étions premiers dans notre classe à la Réunion, on ne se serait pas pour autant parmi les meilleurs en France… Il était temps de montrer des exemples de réussite qui encouragent les jeunes à croire que si l’on s’en donne les moyens, on peut aussi y arriver.
Quel conseil donneriez-vous aux jeunes domiens afin de les motiver à suivre le chemin des Talents de l’Outre-Mer, notamment aux jeunes qui sont en proie à des difficultés dans nos îles ?
Si l’on fait de son maximum, si l’on persévère tant qu’on peut dans son travail, alors on aura toujours mieux que si l’on n’avait rien tenté. L’important c’est de faire de son mieux pour trouver un travail qui nous plaise vraiment, et éventuellement que l’on sera fier d’avoir obtenu en ayant repoussé nos limites.
Comment envisagez-vous d’apporter votre contribution à la cause de la mise en valeur de la compétence ultramarine, au Réseau des talents de l’Outre-Mer ?
Une action qui me tient à cœur est d’aller à la rencontre des jeunes domiens dans les lycées, les prépas… pour les encourager à envisager des parcours qui restent encore des parcours d’exception et les encourager à se donner les moyens de réussir.
Pourriez-vous mettre à terme vos compétences au profit de votre île natale afin d’enrayer le phénomène de fuite des cerveaux ? En somme un "retour au pays natal" ?
Malheureusement, il existe très peu de débouchés pour les ingénieurs à la Réunion, en particulier en mécanique. Même à l’université de la Réunion, cette filière n’existe pas. Il faudrait commencer par là, et je serais alors tout à fait prête à y participer.
Quels sont vos projets ?
Je souhaiterais passer dans quelques années mon habilitation à diriger des recherches afin de pouvoir à mon tour diriger des thèses. Je pense reprendre pour cela mes activités d’enseignement… Et, pourquoi pas, enseigner dans un département de mécanique à la Réunion s’il est un jour créé…
Quels sont vos passions, vos loisirs ?
Tricot, aquarelle, cosmétiques naturelles faites maison… toute activité consistant à créer soi-même un objet utile et/ou joli m’intéresse. Sinon je pratique la danse classique, le modern jazz, le yoga et le kung-fu.
Une idole, un modèle ou un penseur dans l’histoire, dans la fiction ou dans notre société actuelle vous accompagne ?
Non ; les gens qui réussissent à faire de bonnes choses envers et contre tout de manière générale.
Quel geste faites-vous au quotidien afin de préserver l’environnement, de réduire votre bilan carbone ?
Le tri des déchets.
Quelle serait votre cité idéale dans ce monde en mutation, en crise ?
Une ville où les personnes de différentes origines sauraient vivre en harmonie en profitant de la diversité tout en trouvant une unité dans le fait de partager la même cité.
Un film, un reportage à recommander ?
Pour les Réunionnais surtout, l’émission de Gilles Malet qui nous ramène à la Réunion, ses paysages, ses traditions, à chaque fois que notre île nous manque.
Votre nourriture favorite ? Au sens propre et figuré.
Au sens propre, les plats à base de riz (ben oui, on ne se refait pas). Au figuré, la religion a gardé une place importante dans ma vie.
Un artiste que vous appréciez ?
Pour la musique, mes préférences changent avec les saisons. Pour la peinture, je suis une fan de Maryse de May, peintre aquarelliste.
La musique que vous aimez fredonner ?
Là encore, ça change avec les saisons.
Une devise pour l’Outre-Mer ?
Nous lé pas plus, nous lé pas moins.
Mots-clés : Réunion , Ingénieur , Recherche , Toulouse
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